Peut-on apprendre à dessiner sans en faire son métier ?
Le mois dernier, un des lecteurs aux cours de dessin me posa la question suivante : Peut-on apprendre le dessin sans en faire son métier ?
Une question légitime, qui soulève de nombreux points pour rester motiver en apprenant à dessiner :
Merci pour cette article. Mais j’ai comme une question … Peut-on réellement apprendre a dessiner sans que ce soit notre quotidien ou notre job, je veux dire peut t’on l’apprendre juste pour qu’il prenne la place d’un passe-temps…
Dans mon cas j’adore regarder et contempler les dessins, les fan-art et les comics que font les gens, c’est incroyable de voir le niveau qu’ils ont pu atteindre sûrement avec du dur labeur et ça donne envie, et depuis 3 ans je pense que c’est la raison qui ma poussée à aimer tant les photos, j’en prends des tas de tout et n’importe quoi vu que je ne sais pas dessiner !
En fait mon problème, c’est que je ne sais pas ce que c’est mon passe-temps ni ma passion, si j’en ai, et comme vous l’avez dit « Si vous l’oubliez, ce sera une perte de temps ensuite pour le ressentir à nouveau et un éternel recommencement… » et ceci pour tout j’ai voulu apprendre Photoshop j’ai abandonné à un moment … De la programmation pareil pourtant j’adore ces deux sujets … Mais suis-je peut être juste flemmard ou j’ai pas de détermination j’aimerais bien savoir …
… Un peu longue ma petite histoire je m’en excuse mais c’est la principale raison qui ma amené ici ^^’ donc j’espère pouvoir trouver un certain avis d’une personne sûrement plus âgée que moi ! Et merci !
(je me suis permis de corriger quelques fautes et d’ajouter de la ponctuation pour aérer le texte)
Ma courte réponse en commentaire :
Bonjour Ammar, ma réponse est trop longue alors j’ai carrément décidé d’écrire un article pour te répondre. La question que tu soulèves est importante !
On ne peut pas être chirurgien ou astronaute en 3 mois d’études… ça c’est sûr. L’illustration c’est pareil. Après, on peut se satisfaire d’objectifs plus en adéquation avec nos envies et le temps dont l’on dispose. On peut toujours se faire plaisir en dessinant ! Mais attention, si l’on manque de concordance avec soi même, c’est la porte ouverte à frustrations et abandons. Donc mettre en accord nos envies et notre temps.
Ammar :
Merci pour votre réponse rapide ! […] pour ce que vous avez dit l’abandon est mon principale défaut … Et ce dans tout ce que j’entreprends et c’est vraiment frustrant j’avoue … Mais la solution ?! Y’en a t’il je crois pas au cocktail magique … Mais dois y’avoir un moyen … Une idée je sors sûrement du sujet principale de cette page mais trouver même une idée m’aiderait énormément !
Maximilien :
Un cocktail magique, nan il n’y en a pas, mais il y a des leviers d’actions qui peuvent aider… Un second article ? J’ai à vrai dire beaucoup de notes sur le sujet. Organisation, nourrir sa motivation. Il faut dire que de gérer mon temps libre depuis + de 10 ans et d’arriver à me motiver à apprendre tout un tas de compétences, ça forge la discipline et permet d’avoir beaucoup d’astuces à partager !
En voici l’introduction :
La gestion de votre motivation à dessiner
Tout d’abord, mettons un peu de concordance dans vos envies.
Il est évident de reconnaitre qu’en consacrant un petit peu de temps au dessin, on ne peut pas obtenir le même niveau de compétence qu’un illustrateur professionnel qui lui a consacré plusieurs années de formation à temps plein. Une pratique assidue sur de nombreuses années et des concessions personnelles pour se dégager le temps nécessaire à cette pratique.
Sans parler de l’expérience professionnelle en exerçant au quotidien ce métier, puis toutes les recherches supplémentaires pour ne pas se reposer sur ses lauriers mais plutôt continuer à explorer tout ce qu’il ne connait pas encore et qu’il souhaite améliorer.
Pour résumer : on ne devient pas Zidane en un an !
Après, il est très important de clarifier ce qui vous attire dans le dessin et sur quelle approche vous souhaitez vous positionner.
Souhaitez-vous pouvoir dessiner des paysages, un portrait de temps en temps, qui sait être fidèle à ce que vous avez sous les yeux ? Ou souhaitez-vous réaliser des mégas-illustrations remplies de détails compliqués, tous dessinés d’imagination ; finaliser un film d’animation ou une bande-dessiné, des speed-painting, inventer tout un univers graphique, obtenir une touche unique à vos dessins et un style immédiatement reconnaissable ? Ou encore être capable de dessiner très rapidement sur le vif, faire des caricatures spontanées, des dessins d’actualités ? Faire carrière dans un métier graphique, comme exécutant ou comme responsable d’une équipe ou d’un projet ?
Liste non-exhaustive… 😉
Tous ont leur propre niveau d’exigence et un panel de compétence à acquérir. Par exemple, on n’est pas obligé de connaitre l’anatomie en mouvement sur le bout des doigts (ce qui prends un temps d’étude énorme), si l’on souhaite illustrer des décors, faire de l’architecture ou des peintures de paysages. (qui eux aussi demande leur temps d’apprentissage)
En général, en débutant on veut juste réussir à dessiner quelque chose de joli. C’est pourquoi on fait la 1ère erreur qui bloque nos progrès. On se dirige vers toutes les solutions, ou promesses, qui parlent d’obtenir rapidement des résultats visibles. (j’insiste sur visible, c’est à dire, un dessin physique qui “ressemble à”, sans prendre en compte vos qualités invisibles, intérieures, qui font toute votre qualité à savoir dessiner)
D’où le fait qu’on se rue sur la copie de photos, les effets de style sans prendre le temps d’habituer son œil au respect des proportions, l’achat de vidéos à consommer, les dessins stéréotypés tout plats, tics graphiques et j’en passe…
Trop obnubilé par dessiner quelque chose qui ressemble (ce qui vient avec la pratique) on oublie que le dessin sert à communiquer et qu’il repose sur d’autres principes qu’une simple ressemblance réaliste. C’est pour acquérir ces outils qu’il y a besoin d’un cours complet, les acquérir seul prenant des années de pratiques quotidiennes et assidues.
Il ne faut pas avoir peur de l’expression des intentions et se dire que c’est réservé aux autres ou à “après”. C’est dès maintenant qu’il vous faut partir sur de bonnes bases. Il faut vite amener de bonnes fondation pour construire correctement vos compétences, cela, quel que soit votre désir d’expression dans le dessin.
Bien sûr, des résultats rapidement visibles sur le papier sont aussi gratifiants. Le challenge en enseignant est justement d’équilibrer les exercices plaisants et rigolo, ceux qui caressent dans le sens du poil satisferont et rassureront l’élève, en lui permettant de se détendre et d’obtenir de 1ers résultats motivants. Ils sont nécessaires eux aussi. Pour peu qu’ils soient un minimum utile tout de même et qu’ils soient alliés avec un vrai travail de fond, peut être moins attirant et encore pas toujours, mais qui là toujours, amène de réels progrès. Au final, bien plus rapidement puisqu’on évite les éternels recommencements et on ne se voile pas la face.
On peut citer les pas à pas. Des dessins “bien” faits, qui nous trompent en nous faisant croire qu’ainsi, mécaniquement, en copiant servilement, on arrivera au même résultat de reproduction. La réalité : il manquera toujours un petit quelque chose. Tout simplement car un dessin n’est pas qu’une reproduction (aussi jolie soit-elle), Un dessin est aussi un dessein.
Je parlais de concordance. On peut très bien choisir d’apprendre à dessiner et d’y consacrer le temps suffisant pour se faire plaisir à, par exemple, réaliser des portraits et caricatures de sa famille ou de célébrités. Dans ce cas-là, il y a beaucoup de points qui peuvent être mis de coté pour ne se consacrer qu’à l’essentiel de ce qui nous motive.
Et même là, il ne faudra pas négliger le sens du volume pour construire par quelques traits judicieux un visage et vous aider dans l’ajout des ombres et lumières. Sans parler d’acquérir un sens des proportions, la symbolisme des formes (car même un dessin réaliste est toujours légèrement caricaturé), etc.
Après, quel mal il y a t-il à avoir des résultats modestes et prendre plaisir à dessiner, à son niveau ? C’est l’illusion de vouloir toujours + + + que le temps dont l’on dispose et souvent + que nos propres envies, ce décalage entre les moyens qu’on veut se donner et les résultats qu’on désire, qui amène une frustration, un abandon…
Moi aussi, j’ai pu abandonner des disciplines.
Je me rappelle la 1ère fois où j’ai fait de la 3D : un vase sous le logiciel 3Dstudio max. C’était avant 2000 ! Les logiciels 3D n’étaient pas aussi développés que ceux de maintenant. Après avoir suivi le début d’un tuto j’ai vite décroché. Pourquoi ? Car il m’a manqué un fil conducteur, un projet ou une envie, pour me faire tenir dans l’apprentissage. J’ai juste découvert comme ça la 3D, par curiosité, et je suis passé à autre chose sans vraiment m’investir dedans.
Jusqu’à ce que par hasard, à la sortie des beaux-arts je découvre une école d’effets spéciaux et d’animation 3D qui me lança dans cette voie-là et la réalisation de plusieurs films. Dans cette école je rencontra beaucoup de profils différents, certains connaissaient déjà la 3D car ils avaient commencé comme moi, par bidouiller puis très vite ils s’étaient lancé dans des projets (avec leurs modestes moyens de l’époque), illustrations 3d et petits court-métrages qui leur ont permis d’avoir une finalité à moyen-terme pendant laquelle rester motivé, de projets en projets. Et progresser…
Donc sortez-vous de la tête que vous seriez flemmard ou non, ou manquant de volonté ou que sais-je encore comme valeurs morales à la noix qui ne font que justifier la passivité et l’abandon (et la mauvaise estime de soi !). L’important c’est de mettre en mouvement votre passion.
Comment rester motiver ?
- En clarifiant vos envies.
- Les mettre en concordance avec les moyens que vous souhaitez vous allouer.
- Si souhaité, planifier un 1er objectif simple et pas trop long.
- Garder la discipline et l’organisation pour réussir à suivre ce fil conducteur.
- Une écoute de soi, pour savoir jongler, s’adapter aux imprévus, à vos envies, etc.
Des pistes à explorer…
11 Commentaires
Reply
Très bon article, Max ! Ca m’a réellement inspiré, et ça me donne envie de creuser ça et d’en parler dans de futures de mes vidéos. 🙂
Génial. 🙂
Oui, il faut y aller. C’est important de donner une image + réaliste de l’apprentissage du dessin. Une vision derrière les paillettes pour en finir avec les frustrations que cela peut engendrer.
Face à sa feuille, il vaut mieux être motivé que de finir frustré !
Merci !!!
Je suis super occupé et je dessine durant les cours. Du coup pas pratique de s’améliorer. Je vais essayer de prendre un thème à la fois et l’exercer.
Bonne méthode. 😉 Cela permet de comparer cette série de dessins pour en observer les progrès et ce qu’il reste à entrainer.
Bonjour,
Je suis dans le même cas de figure.
Ma prof de dessin a vue que je n’arrivais pas à avancer donc on avait fait une séance de coaching à la place et elle me demande de réfléchir si vraiment j’aime le dessin ? Alors que pour elle c’est venue naturellement depuis tout petit alors que moi tout petit je jouais à la console (je parie que certain ont eu la même expérience ^^).
Peut être que je devrais me concentrer sur le jeu vidéo uniquement (vidéo youtube, écrire etc…)
De l’extérieur ça à l’air cool mais c’est beaucoup de travail.
Je dirai qu’il y a coaching & coaching. 🙂
S’il fallait vraiment avoir cela depuis enfant, combien d’entre nous ne dessineraient pas ou ne feraient pas leur activité actuelle qui pourtant les passionne ?
Un plaisir (donc une motivation) à dessiner peut venir à mesure de découvrir cette discipline. Il faut se méfier des conseils qui viennent de l’expérience d’une personne. Il y a plusieurs chemins et en tant qu’enseignant on se doit d’en parcourir plusieurs (grâce aux élèves) afin d’obtenir une vision plus large des parcours possibles.
Perso, (ah, attention un exemple personnel) je n’ai jamais accroché à la peinture. De grosses difficultés dès la maternelle puis le reste de l’enfance. Aux beaux-arts pareil, quelle galère ! Juste avant un déblocage qui permis de meilleurs résultats et de ressentir comment, à ma manière, je pouvais réussir à peindre et y prendre plaisir. Hop, début des progrès.
De plus, au delà des compétences, il y a des qualités 1ères que chacun exprime subtilement depuis son plus jeune âge… Ce sont elles qui s’expriment ensuite à travers bien des compétences & des métiers différents. Je reviens sur ce principe dans de futurs écrits… (j’en ai déjà les notes…) (j’ai plein de ptites notes partout…!) (des centaines ^^’)
Bonjour,
Waw! Le site a bien changé! L’article lu il y quelques années sur le talent m’avais fait TILT! Merci car sans cet article, je ne dessinerai peut-être toujours pas sérieusement. C’est pourtant un besoin que j’ai réprimé depuis tout jeune (cette fameuse idée du don du dessin, mais où avais-je la tête?). Mais désormais, cette idée fait partie du passé.
Depuis, j’ai progressé un peu. Et surtout dessine au moins 1x semaine régulièrement depuis 2-3 ans environ. J’ai su resté motivé d’abord en recopiant des fan arts (cinéma, bd, dessins animés) du mieux que je pouvais(et en observant au mieux les formes générales). Puis, lorsque j’ai commencé à me sentir plus à l’aise, j’ai cherché à créer des personnages originaux sur base de poses de divers dessins et photos.
Actuellement, je recherche une solide formation qui me permette de booster mes dessins et me diriger vers un style bd (Ood serriere, Allessandro Barbucci, Philippe Buchet, Bajram entre autre…) Un projet bd, en fait, j’y pense depuis toujours.
Bien changé oui. 🙂 Et je vous prépare des surprises pour les prochains mois…..
Tu as le même parcours que moi. J’avais également commencé par des recopiages pour observer les formes, avant de me rendre compte que le dessin d’après nature est bien plus percutant pour réussir à dessiner sans modèle. C’est le passage le plus difficile en dessin.
Pour la narration séquentielle, je te conseille les livres de Scott Mc Cloud, si tu ne les as déjà. Ensuite, un projet bd c’est long, très long. La moindre difficulté en dessin va te mettre des bâtons dans les roues. C’est pourquoi, pour ne pas se démotiver en chemin, je conseille d’être patient, le temps d’affirmer ses compétences. Rien n’empêche entre temps de développer l’histoire et de réaliser des croquis des personnages ou des scènes clés. Ce sera matière à progresser et une base pour plus tard finaliser ce projet.
Aussi, tu as mon cours « le dessin d’intention » qui est consacré à la narration par l’image, l’utilisation des formes pour construire son personnage, lui donner vie, dessiner sous différents angles de vue, comment construire son cadre, etc. Beaucoup d’outils sont donnés, afin de gagner du temps dans son apprentissage, de quoi construire intelligemment un projet sans tomber dans les nombreux pièges qu’il peut y avoir en chemin !
Un grand merci pour tes conseils sur la bd. J’ai effectivement déjà “Faire de la bande dessinée” de ScottMc Cloud. C’est très intéressant!
Le scénario étant un monde encore à part, il me faudra aussi du temps pour l’apprendre.
Dessiner des cases importantes ou des scènes clés, c’est une excellente idée. Merci, cela me permettra de patienter et d’expérimenter d’autres voies graphiques. Je suis conscient qu’il me faudra au moins 7 à 10 ans et en ayant une bonne discipline 🙂
Donc si j’ai bien lu la faq et d’autres articles, tu ne nous expliques pas comment dessiner “un super-héros” pas à pas, dessiner un personnage manga, dessiner les yeux, les oreilles de tel ou telle manière mais comment arriver à créer nos propres personnages issus de notre imagination en faisant les bonnes recherches, graphiques(pour un nez, yeux,…), maitriser les différents angles de vue d’un personnage, l’observation, en gagnant du temps(discipline, rigueur), etc.
Et également des explications sur la composition d’une image: par exemple, avoir les acquis pour mieux comprendre, analyser les choix graphiques d’une affiche comme “The spy who loved me”(il y a des formes en haut de l’affiche, triangles, cercles, lignes qui doivent bien exprimer certaines choses, un peu comme le constructivisme) et les utiliser pour ses propres créations correctement.
C’est tout à fait ça. 🙂
Affiche du film The spy who loved me
L’affiche est très intéressante et joue beaucoup sur le double triangle. Féminin… Masculin… Les 2 triangles du haut entremêlés et de couleur rouge comme le coeur.
De vives diagonales qui attirent le regard vers le tiers bas de l’image (sur le haut du sous-marin, le kiosque). Ces 2 diagonales forment un triangle pointe vers le bas, donc équilibre précaire -> danger !
C’est toujours fascinant d’analyser une image. Quand c’est fait loin du baratin mais sous l’angle pratique, c’est à dire sur ce que l’image vas susciter au lecteur. Et si les intentions du dessinateur sont (ingénieusement) bien transmises. 🙂
EDIT : j’oubliais une référence primordiale pour l’écriture de scénario. Le livre STORY de Robert McKee. J’ai un coup de cœur énorme sur ce livre.
L’écriture de scénario n’est pas si éloignée de la réalisation d’une image. Succession de différences, plus ou moins contrastées… j’en parle justement dans le « Dessin d’intention », j’aime relier les disciplines, cela facilite nos apprentissages !
Et bien un grand merci pour ces informations. L’analyse, l’argumentation sont entre autres des points que j’aimerais travailler. A bientôt sur le forum 🙂